les tartuffes

Ils sont les tartuffes de notre temps. Ils sont propres sur eux, très propres! Ils parlent bien, ils portent beaux… ou belles. On ne voit qu’eux dans la petite lucarne et ils nous font des leçons sur tout pour notre bien, bien sûr! Ils sont la voix de leurs maîtres. Avec eux une grève est toujours insupportable pour les usagers, tout mouvement social ne peut être qu’une aventure sans lendemain. Ils ne sauraient concevoir le syndicalisme que comme définitivement divisé, affaibli et peu représentatif.

Pour eux, les pauvres et les exclus doivent rester à leur place…. d’exclus; les services publics ne sont qu’une survivance qui n’a plus lieu d’être et les fonctionnaires des dinosaures complètement dépassés. Les sans papiers doivent le rester et les nantis… aussi. Ce sont les chantres d’un monde immuable dont toute idée de progrès doit être bannie. Et ils s’y emploient avec toute l’application nécessaire, en particulier dans ces temps de révolte sociale profonde contre une loi inique.

Leur religion
Avant la grève et la manif, ils installent le doute, ils jouent la carte de la démobilisation, de la division, du rite social éculé… et ils donnent largement la parole à tous ceux qui peuvent alimenter les peurs et les craintes. Au moment de l’action, il faut détourner l’attention du sujet qui fâche en parlant d’autre chose, en minimisant la participation, en montrant les gênes provoquées, en faisant tourner en boucle, s’il y en a, les images qui vont faire désordre. Ah! Ces casseurs de Lyon, ou d’ailleurs, comme on les aime dans ce milieu-là! Si les manifs ont rassemblé trois millions de personnes, ils diront avec insistance que les yeux de la police n’en ont compté qu’un million. Après l’action, la consigne c’est tout faire pour l’enterrer au plus vite.

Leur religion est celle des puissants, leur pratique la souplesse absolue d’échine devant l’ordre dominant, leur discours consiste à donner la force de l’évidence à la soumission sans retenue à l’argent-roi, à la vanité de toute contestation, à l’absurdité de toute révolte. Soyez égoïstes et cupides! Mettez-vous en plein les fouilles! Comme nous! Ils sont grassement nourris pour ce sale boulot. Ils sont princes des média! Le bourrage de crâne des autres est une voie de la réussite sociale pour ces tartuffes de notre temps.

Tartuffes, parce que, comme le Tartuffe de Molière qui se parait des vertus de la piété extrême pour mieux escroquer son monde, ils savent ce qu’ils font, ils le font en toute connaissance de cause et d’abord pour leur pomme. Mais avec le souci affiché de notre salut. Avec un cynisme froid, ils sont les gardiens d’un temple où l’exploitation du plus grand nombre est la priorité des priorités.

Continuons !
Mais il est des moments où le système se grippe, où les mensonges passent de plus en plus mal, où devant l’injustice criante le peuple se réveille, où l’exploitation des hommes par d’autres hommes devient insupportable, où tartuffe risque d’apparaître pour ce qu’il est: une fripouille honteuse. Aïe! Aïe! Aïe! L’inquiétude dans ces moments-là. Il n’y a plus qu’à mentir encore plus pour se tirer de ce mauvais pas. Est-ce que cela va marcher?

A voir le nombre de manifestants de Perpignan (10.000, 20.000, 30.000, en semaine, le samedi, pendant les vacances de Toussaint, en moins de deux mois d’énormes manifestations à répétition), du jamais vu ici, mais c’est pareil ailleurs, je me dis qu’ils vont encore avoir à mentir de plus en plus pour tenter de nous convaincre que le mouvement de fond qui traverse la société n’est qu’un feu de paille sans avenir.

Alors, mes amis, mes camarades, nous savons ce qu’il nous reste à faire, pour la justice sociale, pour le progrès social, «pour la civilisation», comme le disait la pancarte d’un militant assidu lors d’une dernière manif: le 6 novembre et sans doute après, travaillons à ce mouvement de fond, à ce mouvement de masse, continuons à être ce peuple en marche… qu’aucun tartuffe ne peut comprendre et qu’aucun Sarkozy ne peut arrêter. Elle est là notre victoire.

Jean-Marie Philibert - Travailleur Catalan (consulter dans les liens)